mardi 16 février 2010

fiche de lecture de Feyerabend

Feyerabend P.k., « Une tentative d’interprétation réaliste de l’’expérience », in Réalisme, Rationalisme, et Méthodes Scientifiques, Paris, éd. Dianoïa, 2005, (p .55 à 78).
Feyerabend a fortement marqué le XXe par ses contributions en épistémologie contemporaine. Il s’est occupé des questions fondamentales que soulève la philosophie des sciences. On pense notamment aux problèmes de la méthode, l’origine, l’objectivité, la vérité scientifique, la démarcation de la science d’avec la non science qu’on appelle encore le problème de Kant. Cette dernière préoccupation renvoie à la question qu’est-ce que la science ? Feyerabend se pose le problème de savoir comment la comprendre, ce qui l’amène à interpréter ses productions, et en particulier les théories. Une telle question met en avant les grandes théories scientifiques. Notons déjà que la question de ce qu’est l’essence de la question de qu’est l’essence de la science est présente depuis les présocratiques avec Parménide et sa fameuse formule « l’être est. Le non être n’est pas ». A sa suite Héraclite « Tout coule rien ne demeure ». Et nous avons Platon qui fait une sorte de synthèse de ces deux positions avec sa conception de deux positions avec sa conception de deux mondes séparés. Le vrai monde celui des Idées. Qui « est » chez Parménide et le monde sensible, changeant qui correspond au « pantare » d’Héraclite. Cette question est d’autant plus importante qu’elle évolue dans le temps. Ce sont par exemple les points de vue des Atomistes tels que : Démocrite, Epicure, ou Lucrèce qui servent de point d’encrage aux positions contemporaines. Pour les atomistes, le monde est fait des atomes et du vide. Au delà il n’y a rien. La réalité est donc matérielle. C’est à eux qu’on doit la doctrine du matérialisme antique et le principe de conservation de la matière qui stipule que « rien ne se perd rien ne se crée tout se transforme tout devient ». On comprend alors que cette question de la réalité est présente également chez les contemporains qui pensent que l’élément de base c’est l’atome. Seulement, celui ci n’est plus uniquement le petit élément insécable qu’il était dans l’antiquité. Il est le nœud de la relation dans laquelle on rencontre de nombreux éléments. Le problème devient alors : où est la réalité ? Est-elle dans les atomes ou les particules élémentaires ? Ceci nous renvoi directement à l’objet de notre étude. Le chapitre II « une interprétation réaliste de l’expérience », qui est le premier article que le dadaïste est écrit en anglais ; il s’agit d’une reformulation et d’une nouvelle présentation des principaux résultats de sa thèse viennoise faite sous la supervision de Kraft (cf. p17). Le texte est important car il s’agit des bases profondes de la philosophie de Feyerabend à savoir les enseignements du cercle de vienne. Il est question (dans cet extrait) pour l’anarchiste d’exposer la réfutation de la thèse de la stabilité des significations, qui se justifie par le langage ordinaire ; ou par la fondation des significations sur l’’enseignement observationnel. Pour résoudre un tel problème, il est question de comprendre la position de Feyerabend face à un tel débat. Il convient de présenter d’abord les thèses opposées qui représentent en même temps deux écoles de la philosophie des sciences : l’élémentarisme et le phénoménalisme. D’un coté, nous avons les tenants comme Bohr, Fermi, Pauli, et de l’autre, Einstein, Böhm. Tous sont partisans de la tradition classique. Contre cette pratique dogmatique, Feyerabend élabore sa théorie pragmatique de l’observation qui lui a souvent valu le titre de l’ennemi de la science.
Dès la première page de l’article II (cf. p55), exposées clairement les deux thèses suscitées. Niels Bohr pense que « la tache de la science est à la fois d’étendre le champs de notre expérience et de le réduire à l’ordre ». C’est l’instrumentalisme, c'est-à-dire la conception selon laquelle les théories scientifiques ne peuvent avoir pour ambition d’atteindre la vérité, mais de développer les instruments d’intelligence qui permettent de faire des prédictions et donc de « sauver les phénomènes » pour reprendre l’expression de Pierre Duhem. Feyerabend, pour mieux présenter cette thèse, s’appui sur le langage. L’interprétation d’un terme observationnel est déterminé parce qu’il est donné soit immédiatement avec l’acceptation, soit immédiatement avant le rejet de quelques phrases observationnelles convenant ce terme. C’est le principe de la signification phénoménologique. Bohr pense :
─ Qu’ « aucun contenu ne peut être saisi sans forme »,
─ Que « toute expérience… apparait dans le cadre de nos conceptions et formes de perceptions habituelles »
─ « quelque éloigner que le phénomène soit du champ d’explication de la physique classique, le compte rendu de toutes les données doit être exprimé en termes classiques ».
Ceci dit « nous ne pouvons par aucun moyen, nous passer de ces formes qui colorent tout notre langage et dans les termes desquels toute expérience doit en fin de compte être décrite ». Un tel point de vu est également partagé par Lakatos lorsqu’il pense qu’une théorie est encadrée et gouvernée par un programme de recherche. Or dans un programme, il y a un noyau dur qui ne consiste pas aux faits, mais en croyances de base qui gouvernent la réalité, et permet d’accumuler les faits qui serviront dans le contrôle des théories. On ne peut donc pas regarder sans théorie et, l’objet de toute perception suppose les intentions, un cadre pré-pensé, et des dispositions à voir ceci plutôt que cela. Bien plus, Kuhn affirme dans la structure des révolutions scientifiques, que c’est nous qui devons faire entrer la nature dans nos boites préfabriquées. Ce qui correspond à nos croyances, convictions, notre formation, notre engagement de recherche, sont plus fort que tout le reste. Et en particulier plus fort que notre appel à l’expérience, notre prétention du respect des faits, notre soit disant fidélité à la nature.
D’après l’instrumentalisme, la chose en soi n’est pas connaissable .C’est la raison pour laquelle l’esprit humain ne peut que faire des prédictions sous peine de tomber dans les antinomies de la raison pour parler comme Kant .Dans cette perspective les faits sont prévisibles.
Cette façon de voir les choses, n’est pas partagée par tous les épistémologues. Plus précisément, les partisans du holisme. Popper pour sa part, pense que l’instrumentalisme est une théorie de la limitation de l’esprit humain. Dans la mesure où elle réduit la pratique de la science à un « bricolage instrumental ». Puisqu’il ne s’intéresse pas à la réalité. Il étale sa division dans son livre intitulé la théorie quantique et le schisme en physique. La deuxième thèse du chapitre II est phénoménaliste (cf. p54). La science « a pour intention ultime de systématiser les données de notre expérience ». Ceci renvoi à dire que les théories scientifiques possèdent une signification, mais que leur signification est seulement due au rapport avec l’expérience. C’est pourquoi Popper pense que l’instrumentalisme est une théorie de la limitation de l’esprit humain. Elle réduit la pratique de la science à un bricolage instrumental. Or l’interprétation d’une expression est déterminée par son usage (cf. P60). L’interprétation d’un langage d’observation est uniquement et complètement déterminée par sa caractéristique. C’est qu’on nomme le principe de la signification pragmatique. Les théories scientifiques et autres hypothèses générales ne sont rien d’autre que les moyens commodes de systématisation des données de notre expérience. Ça revient à dire que les interprétations ne dépendent pas du statut de notre connaissance théorique. Les faits ne se suffisent pas à eux-mêmes. Et sont compréhensibles (les deux thèses suscitées).
D’après ces derniers, une théorie n’a de sens qu’en rapport aux faits. Celle ci devient obsolète et est appelée à être remplacée par une autre théorie. C’est le falsificationnisme chez Popper. Mais la signification pragmatique bien qu’elle accorde le primat à l’expérience ; n’exclut aucunement l’interprétation. Elle n’est pas la fétichisation des faits. Telle que pratiquée par les protestants avec leur « sola scriptura », ou encore, bon nombre de phénoménalistes « les expériences existent, rien d’autre n’existe » (cf. p60). Le principe de la signification pragmatique stipule que la caractéristique du langage de tous les jours est passablement stable (cf. p60). Comme on l’a vu plus haut, le langage est fonction de sa caractéristique. Pourtant, nous pensons avec Feyerabend qu’il est possible que l’interprétation d’un langage change sa caractéristique sans un quelconque effet perceptible. D’abord, parce que l’existence d’une certaine capacité observationnelle est compatible avec la plus part des diverses interprétations. Ensuite, parce qu’aucun ensemble d’observation n’est jamais suffisant pour que nous inférions logiquement n’importe laquelle de ces interprétations (le problème de l’induction).
Feyerabend pense qu’on ne peut pas suivre ses deux théories jusqu’au bout car, elles empêchent à la science de progresser : c’est la théorie de la stabilité. Résumons-la en trois idées essentielles :
─ La croyance en la physique classique n’a pas seulement influencée notre pensée mais aussi nos procédures expérimentales et même nos formes de perception. Cette idée donne une description correcte de l’effet que l’usage continue d’une théorie physique peut avoir sur nos pratiques et sur nos perceptions.
─ Nous n’inventons que les théories qui son suggérées par nos observations. Combinée avec la première idée, l’inductivisme implique qu’il est psychologiquement impossible de créer des concepts non classiques et d’inventer un schème conceptuel non classique.
─ La troisième idée concerne la signification pragmatique. D’après cette idée, l’usage des méthodes classiques et l’existence des formes de perception classique implique que le langage observationnel possède une interprétation classique.
Par opposition à cela, nous pouvons remarquer que même dans une situation où tous les faits semblent suggérer une théorie qui ne peut plus être maintenue comme universellement vraie, que même dans une telle situation, il n’est pas besoin que l’invention des nouveaux schèmes conceptuels soit psychologiquement impossible tant qu’il existe des images abstraites du monde qui peuvent être transformées en interprétation alternatives.
L’interprétation d’un langage peut changer sans aucun effet sur sa caractéristique. L’interprétation d’un langage observationnel est déterminée par les théories que nous utilisons pour expliquer ce que nous observons, et elles changent dès que ces théories changent.
Par opposition au positivisme, une position réaliste n’admet aucun énoncé dogmatique et incorrigible dans le champ de la connaissance. La science ne fonctionne pas comme une église, ni avec des règles immuables. La théorie de l’observation rend compte de l’appel empiriste ; Russel l’avait déjà compris quand il disait : « qui quitte ce territoire de l’expérience risque de fricoter avec l’absurde, de construire des châteaux en Espagne et de se payer de mots ». Dans ce sens, notre discours ne vaut rien s’il s’éloigne de trop de la pate du travail scientifique réel. On comprend donc que l’expérience, les faits, l’histoire réelle, pas de philosophie sans cela (cf. p16). Mais pour l’enfant terrible, il n’y a pas de philosophie des sciences qui ne s’arrête qu’à cela non plus, si non, elle n’aura aucun intérêt. Nous avons aussi besoin d’une source non observationnelle pour les interprétations. Une telle source est fournie par la spéculation dont on montre qu’elle joue un rôle important dans le cadre du réalisme.
Regarder du coté des théories, ce n’est ni évacuer, ni négliger l’expérience, mais ce n’est pas lui accorder une importance plus que méritée non plus. Il faut tirer partie de ce qu’on sait que l’expérience n’est jamais pure (cf. p15). Mettre en avant la théorie de l’observation, rend compte de l’appel empiriste ; mais elle se fait pragmatique, parce qu’elle renonce à l’idée que c’est l’expérience qui donne le dernier et est nécessairement indépendante de nous. Donner la place à l’explication c’’est reconnaitre la liberté du théoricien par rapport à l’expérience, donc la possibilité de prendre des chemins différents et de lire la même chose soit disant donnée par l’expérience.
On peut voir le monde d’une autre manière et s’accommoder à sa factualité. (cf. Cours du Dr Malolo : « science comme mode de vie ».Permettre à chacun de trouver son propre chemin .C’est ça le relativisme chez Feyerabend. Qui est un argument en faveur du pluralisme (cf. Maât, p.95) ; lequel pluralisme s’oppose donc au monisme. On voit à travers cela la dénonciation des figure de l’autoritarisme, à savoir que les intellectuels ou la science ou encore l’expérience devient naturelle .Cependant, ce relativisme exacerbé risque de nous plonger dans une sorte d’anarchie intellectuelle .C’est pourquoi il convient pour nous de passer en revue certains pans de la pensée feyerabendienne.

Quand l’auteur pense que les faits ne suffisent pas pour expliquer le monde, parce qu’ils ne nous disent pas comment les comprendre, ni comment les comprendre bien. Il est par là en train de sous estimer la puissance des faits. Et cette position à une conséquence grave. C’est que la science cesse seulement d’être une discipline expérimentale pour s’ouvrir à la métaphysique. Ce qui à notre avis peut paraitre paradoxal.
Aussi l’anarchisme de Feyerabend peut être un obstacle si on le transpose dans la société. Parce qu’il stipule que chacun peut apporter quelque chose à la science. Et que chacun a toujours raison de faire ce qu’il fait. Gonzalo Munevar pense qu’on ne peut pas étendre l’anarchisme sur le domaine éthique et social. Dans la mesure où ça pourrait causer une dépravation des mœurs. Cela pourrait également légitimer l’action des Nazis vis-à-vis des juifs. Ce qui relève d’une injustice.
Bien plus, Hilary Potnam voit en l’anarchisme de Feyerabend l’idée du « everything goes ».Toutes les choses sont bonnes. N’importe quoi peut faire l’affaire dans la science.
Malgré les limites apportées à la pensée de Feyerabend, ce texte reste important à plus d’un titre. Il a le mérite de démystifier la science. Et de nous informer de ce que la science n’est pas uniquement l’affaire des élites. Que chacun peut apporter quelque chose à la science. De même la science n’est pas dogmatique et ne fonctionne aucunement comme une église. Il faut donc faire feu de tout bois, C’est ce que nous devons comprendre du « anything goes ». Les méthodes établies ne sont pas suffisantes pour faire progresser la science. Au final il faut être ouvert à la critique. Mais seulement quand on a déjà assez muri la théorie.
Il a été question pour nous de comprendre l’expérience. Et pour ce faire il était judicieux de commencer par présenter les thèses positivistes qui pensent que l’expérience est ce qui nous permet de valider ou non une théorie. Pour enfin présenter la thèse de Feyerabend qui est un réalisme pragmatique. Nous pouvons donc retenir au sortir de cet exposé qu’au-delà de l’expérience il y a autre chose. L’expérience ne se suffit pas à elle-même .C’est pourquoi pour la comprendre il faut recourir à d’autres éléments.



par NDJANJO NDEDI EMMA-MAXIMINE
PHILO3 PRESIDENTE DU FAS

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